samedi 24 octobre 2009

Andinismo

Vous connaissez la revue Ecuador Infinito ? C'est un nouveau magazine équatorien, style GEO, qui s'est créé il y a deux ans et qui cherche à montrer tous les charmes de l'Equateur. La qualité de la revue, des photos, de l'impression... m'ont tout de suite séduit. En juin dernier, j'ai rencontré le directeur général Rómulo Moya Peralta pour lui montrer mes photos. Il les a aimées et m'a proposé de faire un reportage sur l'andinisme en prenant mes photos et mon texte. Voici donc les 10 pages de l'article traduit en espagnol et en anglais et qui sort dans le numéro d'octobre 2009. Surprise : une de mes photos a été choisie pour faire la couverture !

Au bout de chaque rue, un volcan

Dès mon arrivée à Quito, l’omniprésence des volcans m’a tout de suite impressionné. « Au bout de chaque rue, un volcan » aurait dit Stendhal s’il avait séjourné dans la capitale. Le Pichincha surplombant la ville, le Cotopaxi, superbe depuis le parc de la Carolina, le Cayambé, visible entre deux eucalyptus du Metropolitano, l’Antizana souvent caché par les nuages matinaux... Pourtant, lorsque j’en parle avec des quiteños, ces sommets restent souvent bien inaccessibles. Le plus proche est le Pichincha avec son parc d’attraction à son pied, son téléphérique gravissant son flanc et ses restaurants à plus de 4000m. Mais pour tous les passionnés de montagne, il est évident que ce volcan ne peut suffir à assouvir leur soif de découverte. Rapidement je trouve un groupe d’amis et nous enchaînons les sommets les uns après les autres. Au fur et à mesure des ascensions, les liens entre compagnons de cordée se solidifient, les complicités se font plus fortes.

Pour espérer côtoyer les 6000m, il faut dormir entre 4500 et 5000m. La nuit est courte et le sommeil est difficile à trouver à ces altitudes. Mais vers minuit, alors qu’au lointain, je peux distinguer les lueurs festives des grandes villes, les efforts nocturnes commencent dans un air où l’oxygène se raréfie inexorablement. A la lueur de la lampe frontale, vêtus de multiples épaisseurs, casqués, harnachés, nous cheminons à pas lents et chaloupés, en une longue procession silencieuse. A l’approche du glacier, les cordées se forment, les piolets sont dégainés, les crampons acérés sont fixés aux pieds et l’assaut peut commencer. Les plus expérimentés marchent en tête et cherchent prudemment le meilleur chemin en contournant les zébrures sombres des crevasses. Il faut se concentrer sur l’effort, sur le souffle qui devient plus court. La cadence est monotone, je compte mes pas et à chaque expiration, je gère ma pulsation cardiaque. Mes pensées se perdent, givrées par le froid mordant d’un vent amazonien. Après des heures passées à lutter contre la torpeur, contre l’envie de redescendre, d’arrêter cet effort sans fin, le jour se lève et le ciel s’embrase. L’espoir renaît alors et le sommet semble plus proche. Je distingue mieux autour de moi les crevasses profondes mais tout aussi inquiétantes et nous continuons notre lente ascension en serpentant sous les séracs menaçants, énormes blocs de glace prêts à se décrocher à tout instant. Pourtant la vie parfois réapparaît : un renard des neiges, sorti de nul part, des rapaces tournoyant au dessus de nos têtes.

Enfin au détour d’une crête, nous atteignons le sommet. Chacun de nous laisse exprimer sa joie. Un grand soulagement m’envahit, me laisse hagard, le regard perdu dans l’immensité de l’horizon, survolant l’allée des volcans, des nuages de l’Amazonie jusqu’aux brumes du Pacifique. Là, heureux d’avoir couronné ce volcan, je pourrai y rester des heures si le froid ne venait pas envahir brusquement mon corps inactif. Nous redescendons alors vers la vallée baignée dans la lumière chaude et matinale. Quel plaisir de retrouver le paramo verdoyant. Grogui par l’altitude, vidé par l’effort, affalé sur le sol, je redécouvre les délices d’une gorgée d’eau pure, les saveurs d’un gâteau au miel ou le soulagement de poser un sac et de dénouer mes chaussures. Chaque geste simple réapparaît avec toute son importance.

Mais alors, que sommes nous allés chercher sur ces glaciers, conquérants inutiles de tous les temps ? Que cache ce rituel à chaque ascension ? Peut-être pour se surpasser, pour se sentir vivre ou tout simplement pour partager à plusieurs l’émotion suscitée par les premières lueurs du jour, par cet éternel recommencement dans cet univers de roche, de glace et de froid. Lieu tout à la fois inhumain et magnifique, incroyablement colossal et paradoxalement si fragile, si sensible au rayonnement solaire… Après avoir volé une petite partie d’éternité à la montagne, étendu dans l’herbe, sous le soleil, je renais.




Merci à Nicolas, Bernard, Thierry, Eric, Pascal (et même Jean Marc caché derrière !). Sans oublier Céline pour les pensées philosophiques, Blandine pour la traduction parfaite, Catherine et encore Pascal pour les commentaires et les corrections...

Et voici maintenant le même texte mais traduit en espagnol par Blandine !


Al final de cada calle está un volcán

En cuanto llegué a Quito me impresionó enseguida la omnipresencia de los volcanes. « Al final de cada calle está un volcán » habría dicho Stendhal si hubiera estado en la capital. El Pinchincha que domina la ciudad, el Cotopaxi, soberbio desde el parque de la Carolina, el Cayambé que se percibe entre dos eucaliptos del Metropolitao y el Antizana a menudo escondido por las nubes matutinas. A pesar de ello, cuando se lo comento a los quiteños me entero de que estas cumbres resultan muchas veces inaccesibles. El volcán más cercano es el Pinchincha, con un parque de atracciones situado a su pie, un teleférico que escala su pendiente y sus restaurantes a más de 4000 metros. Pero finalmente a todos los apasionados del montañismo no les basta este volcán para saciar la sed del descubrimiento. Con rapidez doy con un grupo de amigos y ascendemos las cumbres unas tras otras. A lo largo de los ascensos los vínculos entre compañeros de cordada se hacen cada vez más fuertes así como las complicidades.

Para poder frecuentar las cimas de 6000 metros hace falta dormir entre 4500 y 5000. La noche es corta y es difícil conciliar el sueño a esas alturas. Pero a eso de las doce, mientras que a lo lejos percibo luces festivas de las grandes ciudades, empiezan los esfuerzos nocturnos en un aire en el que el oxígeno va rarificándose. Con las linternas frontales encendidas, las capas de vestidos, los cascos puestos y equipados con arneses, avanzamos con pasos lentos contoneándonos en una larga procesión silenciosa. Al acercarnos al glaciar se forman las cordadas, se desenfundan los pioletes, se fijan los crampones a los pies y podemos dar el asalto. Los más experimentados van primero y buscan con prudencia el mejor camino, contorneando las huellas oscuras de las grietas. Tenemos que centrarnos en el esfuerzo, en el soplo que se hace cada vez más corto. El ritmo es monótono, cuento los pasos y en cada espiración controlo mi pulsación cardíaca. Mis pensamientos se pierden, helados por el frío penetrante del viento amazónico. Tras horas de lucha contra el entorpecimiento, contra las ganas de iniciar el descenso y de abandonar estos esfuerzos interminables amanece, y el cielo se arrebola. Renace la esperanza y entonces parece más cerca la cima. Percibo mejor las grietas a mi alrededor, profundas y tan inquietantes como antes ; seguimos nuestra lenta ascención culebreando bajo los amenazadores bloques de hielo capaces de caer en cada momento desde lo alto de la montaña. A veces reaparece la vida : un zorro plateado - ¿ de dónde habrá venido ? -, aves rapaces que se arremolinan sobre nosotros...

Por fin, a la vuelta de una cresta alcanzamos la cumbre. Cada uno de nosotros expresa su alegría. Me invade un gran alivio dejándome azorado con la mirada perdida en la inmensidad del horizonte, sobrevolando una avenida de volcanes desde las nubes de la Amazonia hasta las brumas del Pacífico. Feliz de haber coronado este volcán, podría pasarme horas allí si de repente el frío no viniera a invadir mi cuerpo inactivo. Iniciamos el descenso hacia el valle bañado por una luz calurosa y matutina. ¡ Cuánta alegría volver a encontrar el páramo verdeante ! Despistado por la altitud, agotado por el esfuerzo, vuelvo a descubrir las delicias de un trago de agua pura, el sabor de bizcochos de miel y el alivio de dejar la mochila en el suelo y desatar los borceguíes. Cada gesto simple vuelve a tener importancia.

Pero, ¿ qué es lo que fuimos a buscar en estos glaciares ? Conquistadores inútiles de todos los tiempos. ¿ Qué esconde el ritual de cada ascención ? Quizás sea la superación, para sentirse vivo o simplemente para compartir emociones suscitadas por las primeras luces del día, por ese eterno comienzo en un universo de rocas de hielo y de frío. Lugar a la vez inhumano y magnífico, increíblemente colosal y paradójicamente frágil, tan sensible a la radiación solar. Tras haber robado una pequeña parte de eternidad a la montaña, tendido en la hierba, bajo el sol, renazco.